mardi 28 février 2017

samedi 25 février : atelier d'écriture à la MARPA


Une dizaine de résidents de la MARPA "Les grillons" ont participé au premier atelier d'écriture.
Benoît Richter leur a proposé de travailler sur la forme du poème autodaté.




*
 


22/03/1913
Je t'aime
Très fort
-
Tu es parti
Vite
A mon gré trop vite car je t'aimais
Fort
Adieu adieu adieu


Jacqueline Antoine








06/02/1925


Dans ce parc si tranquille nous venions
-
Chaque jour
Voir
Les oies bernaches dans leur bassin près des rosiers
En fleurs
Nous guettions les furtives perruches


Paul Martel
















jeudi 23 février 2017

Affiche : tout un programme.




affiche : Ghislaine Herbéra




Portrait

 ... sous forme de dialogue (15 février 2017).
à la médiathèque de Vert-le-Grand
(photo Jacques-François Piquet)


Quel est l'auteur qui vous a marqué ?

Bizarrement je dirais Freud, puisque vous utilisez le terme « marqué » : entre dix et douze ans j’ai été pris de ce que j’appelle une fringale de lecture, mais qui ressemblait plutôt à une obsession, voire une maladie mentale … il me fallait des livres, beaucoup de livres.
Je lisais de préférence les romans d’aventures calibrés pour mon âge, Bibliothèque rose ou verte, des Signes de piste, Conan Doyle, mais quand il n’y en avait plus je lisais tout le reste ; c’est ainsi que j’ai lu toute la bibliothèque de mes parents, et dans celle ci - ma mère était psychologue - tout Freud. Évidemment je ne comprenais pas grand-chose, et même probablement rien. Mais le plaisir était intact, renforcé par le fait même de lire des choses trop ambitieuses.
J’ai un souvenir assez fou de la lecture de Délire et rêves dans la « Gradiva » de Jensen comme un trip sous acides, par exemple (en réalité je n’ai jamais fait de trip sous acides, mais disons que c’est l’image que je me fais d’un trip sous acides).

Aujourd’hui il ne me reste pas beaucoup de souvenir de Freud. Si on me demandait si je l’ai lu, évidemment je dirais non. Mais il est certain que cette lecture m’a marqué, disons en renforçant un goût que j’avais pour la dissection intime.

Et quel livre ?

Vers dix-huit ans il y eut une autre lecture importante, celle du Hussard sur le toit : en le refermant je me suis mis illico à écrire un roman d’aventure qui s’appelait Les douze beuveries d’Ambrose Varnava. J’ai arrêté à mi-chemin, en constatant la mort dans l’âme que ce n’était pas aussi bon que Giono. Mais le titre est plutôt pas mal, non ?
Aujourd’hui encore je reste très attaché au cycle du Hussard, quatre livres magnifiques.

Quel lecteur êtes-vous ?

Assez normal, hélas, depuis l’épisode décrit plus haut. Je me trouve toujours trop paresseux. Mais j’espère bien me soigner pendant cette résidence et lire tous les livres de la médiathèque.
 

Quand avez-vous commencé à écrire ?
"La dîme" (Pédibus)

Vers cinq ans, des contes farfelus que ma mère prenait à la dictée dans un cahier, chaque histoire se terminant par la formule suivante : Et tout ça était écrit dans mon petit journal.
Puis des bandes dessinées policières, et un premier roman à douze ans avec un camarade de classe, une aventure très Doylienne, façon Le monde Perdu


Un évènement marquant ?

En 1992, un atelier à Censier avec l’écrivain Paul Fournel. Il nous faisait découvrir l’écriture dite « sous contraintes », écrire, avant tout. C’était le moment où sortait le Cahier des charges de La vie mode d’emploi, dont nous réécrivîmes joyeusement quelques chapitres. Ça a duré un an. Ce fut fondateur.

Quelle est votre phrase favorite pour commencer un récit ?

Je n’ai pas un seul style de récit, évidemment, mais quand je travaille sur le rêve, j’aime bien commencer mes récits simplement ainsi :
                                              Je fais un rêve étrange …

Pour certains contes, j’utilise ce que j’appelle la prose des origines – je suis un grand amateur des différentes Genèses qui nous sont parvenues – mon Histoire de la roue qui a inventé l’homme commence ainsi, par exemple :
                      Au commencement était la Terre, et la Terre était ronde, et la Terre était peuplée de roues.

Sinon j’aime beaucoup les commencements abrupts quand la lectrice ou le lecteur a l’impression de prendre le train en marche et sait qu’il va falloir reconstituer les morceaux d’un puzzle, ainsi dans la nouvelle qui s’appelle La dîme :
                                                  Parle ! J’ai du mal à parler là maintenant.

Comment écrivez-vous?

Tous les jours, joyeusement. Sans lieu particulièrement dédié. J’écris un poème par jour depuis septembre 2003, toujours pour le plaisir, et pour apprendre à écrire.
Indépendamment d’une quelconque activité ou ambition littéraire, écrire tous les jours aide (je m’en rends compte années après années) à créer une sorte de cadre méditatif, structurant et réparateur. Bref on devrait tous écrire un poème par jour : ça ne prend pas beaucoup de temps et ça rend la vie plus belle. Je milite pour ça.

Ça n’est pas trop romantique, comme idée ?


Justement, non : on hérite tous d’un vieux fond romantique qui voudrait tirer à lui la couverture et le poème vers le sentimentalisme, mais justement la forme et la régularité vous préservent de ça, je pense : quand vous écrivez un poème à forme fixe chaque jour, au bout de quelques semaines le romantisme est épuisé et le vrai travail commence.
Avec le temps, se crée aussi une égalité du poème ; et on s’extirpe du fantasme rimbaldien, de la recherche du mieux, du meilleur poème. J’aimerais bien, un jour, écrire un poème aussi beau que … ! On fait le deuil de ça, là n’est pas le propos de la poésie. La poésie a seulement à voir avec le fait de transmettre : quoi ? L’essentiel, l’essence, la saveur précieuse d’un instant, ce qui est important pour moi, quelque chose que je refuse de perdre, un moment de vie dont j’accepte la perte après l’avoir mis dans le poème … à chacun de décider. Et c’est toujours parfait, magnifique. Quels que soient l’âge, le niveau de langue, de culture … La poésie qui m’intéresse s’épanouit dans le non-mieux.

Y-a-t-il des mots dont vous êtes fan et que vous voulez à tout prix caser dans un récit ?

J’aime cacher des mots dans mes récits, en utilisant parfois un procédé proche de ce que Raymond Roussel décrit dans Comment j'ai écrit certains de mes livres.
Je cache souvent le nom de mes amis, par exemple, dans des récits adressés sur mesure.
À part ça j’aime tous les mots à égalité, et tant qu’on a encore le droit de les utiliser, il ne faut pas s’en priver.
Premiers poèmes enterrés,
Forez, 2005
(photo Maud von Zipperlin)





Inventez-vous des mots ou des noms ou des formes d'écriture ?

Tout ce que nous écrivons a une forme, in fine. Parfois cette forme émerge du hasard ou du chaos de l’écriture au fil de la plume, ce qui me convient très bien, mais j’aime aussi travailler la forme en amont.
Inventer la forme que suivra le fil de ma pensée, puis me glisser dans cette forme.
Quand ça marche, je nomme la forme nouvelle, et je la fais partager autour de moi, sous forme de recueil auto-édité avec un typographe, ou bien en atelier d’écriture.
Ainsi sont nées des formes comme le raclement de gorge (2000), le poème autodaté dont on fêtera les dix ans en mars à la médiathèque, le diurnoscope (2009), l’exercice d’immodestie (2013), le store vénitien (2015), le contrepoint (2016) … Et d’autres, que nous goûterons en atelier à Vert-le-Grand !


Pourquoi écrivez-vous?

Parce que ça me rend plus attentif, et que l’attention rend la vie plus belle.

Le dernier livre que vous avez lu ?

Les deux derniers, empruntés à la Médiathèque de Vert-le-Grand : Mademoiselle Haas, de Michelle Audin, et Histoire de la littérature récente, d’Olivier Cadiot.
Dans ce dernier on trouve, tiens tiens, cette phrase qui me parle :
"Et si vous êtes arrivé à vider la poésie de la poésie pour lui redonner la parole – comme on doit le refaire sans arrêt – elle s’anime".

Qu’attendez-vous de votre résidence à Vert-le-Grand ?

Des rencontres.

Votre mot de la fin (ou celui avec lequel vous voudriez conclure un récit) ?


Et tout ça était écrit dans mon petit journal.


signature du contrat de la résidence,
Région Ile-de-France, le 7 décembre 2016
(photo F. Roques)